La Semaest devient la SEM Paris Commerces

Interview : Repenser la valeur du commerce

alysson pallisser consultant datactivist
externalités positives commerce de proximité
commerce de proximité valeur du commerce

Crédit photo : Matthieu Gauchet

Allyson Pallisser, chercheur-consultant passionné par l’urbanisme et l’interaction entre le petit commerce et ses diverses parties prenantes, est à la fois doctorant au CSI — Mines Paris et consultant au sein de Datactivist, une coopérative spécialisée dans l’ouverture des données. Il mène actuellement une étude en partenariat avec Paris Commerces sur les effets sociaux et environnementaux du commerce de proximité en ville. Interview.

Dans l’étude que vous menez actuellement, vous proposez de « repenser la valeur du commerce » à travers ses effets sociaux et environnementaux. De quoi s’agit-il ?

Le commerce de proximité joue un rôle crucial en faveur de l’attractivité et de l’animation d’une rue, d’un quartier ou d’un centre-ville. Au-delà de leur activité principale, les commerçants prennent en charge un pan de la vie de la cité, en s’occupant souvent de leur entourage, tant humain qu’urbain. Ils font en sorte que le trottoir soit propre et contribuent à la végétalisation des espaces devant chez eux, ils font parfois office de conciergerie, ils veillent sur les personnes âgées, ils nous conseillent, nous rendent service, apportent à la fois de la vie et de la tranquillité à notre quartier.

Les effets sociaux et environnementaux, c’est notre manière à nous de traduire le concept d’externalités. Ces dernières représentent tout ce qu’un acteur économique génère en plus de son activité principale. Dans le cas du commerce, nous avons tendance à penser en premier lieu aux externalités négatives, telles que le trafic causé par les livraisons ou les nuisances sonores. Les externalités positives du commerce, qui sont nombreuses, sont souvent négligées, voire invisibles.

Notre étude vise à rendre visibles ces effets du commerce « invisibilisés », des effets qui ne sont pas appréhendés par des réglementations spécifiques, dans l’objectif de proposer une nouvelle perspective sur la valeur du commerce pour la ville et ses habitants.

Pouvez-vous approfondir votre vision de la « valeur du commerce » ?

La notion de valeur est souvent sous-estimée dans notre quotidien. Valoriser quelque chose, c’est lui accorder de l’importance et la reconnaître comme essentielle pour notre société. Dans le cas du petit commerce, nous avons tendance à minimiser sa valeur, le considérant comme acquis.

Même si la littérature académique offre quelques pistes sur les effets positifs du commerce en ville, il n’existe pas de proposition analytique pour penser l’ensemble de la valeur non commerciale. L’idée selon laquelle le commerce est un acteur central des villes, dont le rôle dépasse le cadre marchand, est largement partagée dans les sphères politiques, académiques ou encore économiques. Pourtant, elle a été peu étayée par des travaux empiriques qui mesureraient son impact dans sa globalité.

Notre étude cherche donc à révéler cette valeur « oubliée » du commerce, qui va au-delà de sa dimension économique, en soulignant son rôle dans le tissu social, son soutien aux personnes âgées, aux personnes dans le besoin et son impact sur la vie de quartier.

Pour valider nos hypothèses sur la valeur du commerce dans la ville, nous sommes allés à la rencontre de commerçants afin de s’intéresser à leur quotidien et comprendre ce qu’ils faisaient en plus de leur activité marchande. Au total, nous avons pu nous entretenir avec environ 200 commerçants localisés un peu partout en France. À la fin de ce processus, nous avons réussi à établir une liste de 18 effets sociaux et environnementaux du commerce divisés en 6 catégories : lien social, solidarités, espace public, santé et sécurité, environnement et vie de quartier.

À Paris par exemple, une distinction se dégage par rapport aux petites villes : la prise de conscience des commerçants à l’égard du quartier et de la communauté locale. Les commerçants parisiens se montrent plus engagés dans des événements ou des associations visant à embellir et à animer le quartier ou la rue. Ce faisant, ils illustrent leur rôle dans la création d’un quartier où il fait bon vivre."

La prochaine étape de notre étude, qui vient de démarrer, consiste à mesurer les effets identifiés et de les quantifier auprès d’un très large échantillon de commerçants.

Pensez-vous que les acteurs publics pourraient tirer parti de ces réflexions ?

Absolument. L’étude portée par Datactivist et Paris Commerces vise à nourrir les discussions autour de l’importance des commerces en ville, en particulier des commerces de proximité.

Les pouvoirs publics, qui mènent depuis plusieurs années des politiques de redynamisation commerciales dans nos villes, sont très intéressés pour identifier des indicateurs destinés à mesurer et objectiver les multiples bénéfices apportés par les commerçants. Ils cherchent d’ailleurs à favoriser l'implantation de nouveaux commerces de proximité adaptés aux besoins locaux.

Nous espérons que notre étude apportera une contribution significative en mettant en lumière l’importance de ces activités non marchandes pour le bien vivre en ville.

Tout le défi de notre projet est d’arriver à quantifier les effets mentionnés dans notre rapport. Si certains effets peuvent l’être assez facilement, comme le temps passé par un commerçant à balayer « son » trottoir, d’autres, tels que le « lien social », sont plus complexes à mesurer. Nous invitons tout le monde à suivre nos travaux afin de découvrir comment nous abordons ces défis : projet-excom.fr.

  • Vous êtes commerçants, vous souhaitez participer à cette étude et rendre visible l'impact de votre activité sur votre quartier, votre ville et ses habitants ?
    Répondez à un court questionnaire ! 
    Participer au sondage