Oubliées, ignorées, méconnues… Les artistes femmes du XXe siècle ont pourtant été de tous les grands moments d’avant-garde. Et elles sont plus nombreuses qu’on ne le croit : peintres, sculptrices, designers, ou encore photographes, les femmes se sont emparées de tous les médiums pour délivrer leurs messages et partager leur art. Un art que l’histoire a relégué au second plan, mais que l’association Archives of Women Artists Research and Exhibitions (AWARE) entend bien rendre visible aux yeux de tous.
Et quel meilleur endroit pour parler des femmes dans l’art que la Villa Vassilieff, où vient de s’installer AWARE ? Située au 21 avenue du Maine dans le XVe arrondissement de Paris, cette villa porte le nom de Marie Vassilieff, artiste peintre et sculptrice russe installée en France. C’est entre ces murs qu’elle a ouvert « La Cantine des artistes » dans les années 1910, où ont pu se croiser Pablo Picasso, Amedeo Modigliani, Georges Braque ou encore Henri Matisse.
Mais c’est pour faire connaître des artistes bien moins renommés qu’AWARE y a installé ses locaux, en novembre 2021. « Commissaire d’exposition au Centre Pompidou, Camille Morineau s’est rendu compte que pour beaucoup d’artistes femmes, y compris celles présentes dans les collections du musée, il était très difficile d’accéder à des informations. Nous manquions de récits et d’archives car les femmes ont été complètement exclues du discours de l’histoire de l’art du XXe siècle alors qu’elles étaient pourtant très présentes, raconte Matylda Taszycka, responsable des programmes scientifiques pour AWARE. Camille Morineau a donc fondé l’association en 2014 dans le but de faire connaître les artistes femmes et répondre à cette sous-représentation des femmes dans le monde de l’art. »
Depuis sa création, AWARE a rassemblé un nombre importants d’informations et de documents sur les artistes femmes et sur le féminisme dans l’art. Beaucoup de ces ressources sont disponibles gratuitement sur le site internet de l’association – www.awarewomenartists.com – disponible en français et en anglais. « L’index des artistes femmes est particulièrement consulté, reprend Matylda Taszycka. Nous y référençons plus de 800 artistes et l’enrichissons chaque semaine avec de nouveaux noms et des notices richement illustrées avec l’aide des éditions Des Femmes, dont nous sommes partenaires. Nous proposons également des podcasts ainsi que des films d’animation à destination du jeune public pour sensibiliser à l’art et à l’inclusion des femmes. »
En réinvestissant ce haut lieu de la scène artistique parisienne, AWARE entend s’inscrire dans la continuité de cet héritage symbolique tout en donnant un pendant physique à ces ressources en ligne. « Nous ouvrons un centre de documentation riche de près de 3000 ouvrages : des monographies d’artistes femmes, des catalogues d’expositions, des thèses… Toutes les ressources écrites pouvant servir la recherche en histoire de l’art et la visibilité des artistes femmes », résume Matylda Taszycka.
Situé au premier étage, ce centre de documentation baptisé « Espace Delphine Lévy » en hommage à la fondatrice de l’établissement public Paris Musées disparue en 2020, ouvrira officiellement ses portes au public début 2022. Il est cependant d’ores et déjà accessible sur demande. Il suffit d’adresser un mail à l’adresse suivante : documentation@aware-art.org.
Parce qu’elle veut parler à un large public et pas seulement aux chercheurs et aux passionnés d’art, AWARE organisera également des ateliers, des colloques et des rencontres ouvertes à tous. « Tout le rez-de-chaussée sera consacré à l’accueil des publics, et notamment des scolaires, explique la responsable des programmes scientifiques. Il se scinde en trois parties : un espace de projection pour diffuser nos films d’animation, un espace "atelier" – dont le mobilier modulable et coloré a été désigné par Matali Crasset –, et une petite salle, à l’arrière, dédiée à l’écoute et à l’enregistrement de nos podcasts. »
AWARE réfléchit aussi à des résidences pour les commissaires d’expositions et les historiens d’art internationaux, afin de leur donner un espace où faire leurs recherches et les partager sous la forme de master-class. « En devenant un lieu d’étude et de rencontre, nous espérons diffuser encore plus largement notre message et lui donner une envergure internationale, comme nous avons commencé à le faire avec le colloque Reclaim sur les femmes artistes africaines, organisé l’été dernier dans le cadre de la Saison Africa2020. Car notre projet s’inscrit ici, mais aussi ailleurs. »
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